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Les isotopes stables, peut-être une nouvelle façon de suivre l'évolution des cancers

Philippe telouk, Vincent Balter, Victor Bondanese, Aline lamboux, Francis Albarède. Geologie ENS Lyon
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Publication du LGL dans PNAS

L'équipe du LGL qui a participé aux travaux de recherche. De gauche à droite : Philippe Télouk, Vincent Balter, Victor Bondanese, Aline Lamboux, Francis Albarède. Photo ENS Lyon
Quand des géologues aident à lutter contre le cancer, "interdisciplinarité" n'est pas un vain mot. Des géochimistes du laboratoire de géologie  de l'ENS de Lyon et des oncologues de l'Inserm proposent une nouvelle manière de suivre l'évolution des cancers à partir d'outils développés en Sciences de la Terre : les rapports isotopiques du cuivre et du soufre. Leurs travaux viennent d'être publiés dans le prestigieux PNAS (Proceedings of the National Academy of Sciences, revue de l'Académie des sciences américaine) le 12 janvier 2015.
Les scientifiques ont mesuré les rapports isotopes du cuivre (cuivre 65 et cuivre 63) et du soufre (soufre 32 et soufre 34) dans le sang de patients atteints d'hépatocarcinome (cancer du foie) et ont comparé les résultats obtenus avec un groupe contrôle. Les résultats montrent que les rapports d'isotopes du soufre et du cuivre sont très différents entre les deux groupes. L'origine de ces différences en soufre est probablement liée à la forte production d'hydrogène sulfuré par les cellules cancéreuses, mais cette hypothèse reste à confirmer.
L’étude répond à une question importante : l'excès de cuivre dans le sang des patients cancéreux est il d'origine alimentaire ? Non, car le rapport isotopique du cuivre 65 du sang des patients n’est pas caractéristique de celui d'une alimentation humaine. Cette signature isotopique particulière permettra de déterminer l'origine physiologique du cuivre excédentaire. Les médecins pourront alors bloquer efficacement la fuite de cuivre vers les tumeurs car le cuivre est un "carburant" pour le développement tumoral. L’étude ouvre de nouvelles perspectives pour suivre l'évolution des cancers. En étudiant les rapports d'isotopes du cuivre dans les tumeurs du foie, les scientifiques ont découvert que les tumeurs contenaient plus d'isotopes de cuivre 65 que les tissus sains adjacents. Plus la tumeur est importante, plus elle contient de cuivre 65, et moins cet isotope serait présent dans le sang. La mesure de la déperdition de cuivre 65 dans le sang pourrait donc donner des informations sur l’évolution des cancers et ainsi permettre d'adapter les traitements de façon plus efficace.
L’étude Natural variations of copper and sulfur stable isotopes in blood of hepatocellular carcinoma patients est une première mondiale qui montre tout l’intérêt de l’interdisciplinarité et des collaborations internationales dans la recherche médicale.
Références : Natural variations of copper and sulfur stable isotopes in blood of hepatocellular carcinoma patients Balter V., Nogueira da Costa A., Bondanese V.P., Jaouen K., Lamboux A., Sangrajrang S., Vincent N., Fourel F., Télouk P., Gigou M., Lécuyer C., Srivatanakul P., Bréchot C., Albarède F., Hainaut P. (2015) Proceedings of National Academy of Sciences USA. January 12, 2015, doi: 10.1073/pnas.1415151112.

Cuivre et cancer


Depuis longtemps, les biologistes savent que le métabolisme de ces deux éléments chimiques est dérégulé par l'apparition de cellules cancéreuses. Otto Warburg et Adolf Krebs avaient découverts dans les années 30 que le sang de patients atteints de cancer était plus riche en cuivre, ce qui stimule le développement tumoral. Les cellules cancéreuses ont par ailleurs la particularité de produire beaucoup de sulfure d'hydrogène qui favorise l'angiogenèse.
Jusqu'à présent ces processus étaient étudiés par des mesures de concentrations, mais ici, les scientifiques ont utilisé des mesures isotopiques.

L'équipe du LGL sur le site ENS de Lyon


Ont participé à cette étude :
Vincent Balter, Francis Albarède, Philippe Telouk, Victor Bondanese, Aline Lamboux Christophe Lécuyer et Nicolas Vincent; ainsi que Klervia Jaouen, docteur de l'ENS de Lyon, actuellement au Max Planck Institute.

Soutiens

Les auteurs de la publication remercient pour leur soutien technique et financier :
- la Fondation Bullukian
- la Fondation Mérieux
- le Fonds Recherche de l'ENS de Lyon
- le Labex Institut des Origines de Lyon (LIO)
- et la Mission Interdisciplinaire du CNRS.

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